c comme cinéma

mercredi, janvier 31, 2007


LE DAHLIA NOIR ♦♦♦
(The Black Dahlia)
Réalisation : BRIAN DE PALMA
USA – 2006 – 120 min
Thriller

LA FLEUR DU MAL

Basé sur le roman de James Ellroy, lui-même inspiré d’un authentique fait divers, le nouveau film de Brian De Palma renoue avec les grands moments du réalisateur, après le décevant Femme fatale.
L’histoire vraie contée ici sert donc de prétexte idéal pour recréer avec brio une atmosphère remarquable, celle d’un Los Angeles d’un autre temps, empreint de noirceur et aux personnages énigmatiques, sujets idéaux pour les amateurs de chair de poule et de récits sulfureux.
La décadence, mentale et/ou sexuelle, est en effet le maître mot : secrets d’alcôves, pulsions inavouables, convoitise amoureuse, forment le noeud de l’intrigue. Cette dernière, variée à souhait, s’éparpille au gré des puzzles que De Palma adore insérer dans ses récits, avant de se recentrer dans une ambiance malsaine qui ne quitte pas la pellicule un seul instant. Si cette diversification peut parfois susciter la confusion à la première vision, elle n'en fera que mieux percevoir la richesse du film en le revoyant.
Un brillant quatuor d’acteurs –dont émerge la très glamour Scarlett Johansson- se charge de donner vie à ces êtres naviguant en eaux troubles, perpétuellement sur une corde raide où moralité et dépravation se côtoient sans cesse.
De Palma ne surprend pas à proprement parler : il est tout simplement fidèle à lui-même et à son talent. Ce qui, en soi, mérite largement que le public fasse une fleur au Dahlia noir.


BORAT ♦♦♦
Réalisation. LARRY CHARLES
USA – 2006 – 90 min
Comédie

IL LEUR FAIT TOURNER KAZAKH !

Y a pas à dire, ça fait du bien ! Une bonne dose de politiquement très incorrect, à une époque où on ne peut plus rire de grand-chose, voilà qui change un peu des habitudes dans lesquelles l’humour international a tendance à s’encroûter…
Faut dire que Borat, c’est pas de la dentelle de Bruges : et vas-y que je me moque grassement de tout le monde, à grands coups de clichés et de séquences « trash » mais derrière lesquelles se cache une satire plus subtile qu’il n’y paraît de notre société.
Entre les séquences mises en scène, le film est en effet une sorte de gigantesque caméra cachée où Sacha Baron Cohen piège une flopée d’Américains dont il dévoile les pensées profondes au travers du comportement irrévérencieux de son propre personnage. Tout y passe au rouleau compresseur : antisémitisme (que l’acteur… juif entretient de façon tordante vu le contexte très second degré), machisme primaire, homophobie, nationalisme, etc…
A froid, le tout peut paraître ignoble, mais en grattant la surface on y découvre que ce n’est pas Borat qui fait peur mais plutôt tous ces individus bien-pensants enfoncés jusqu’à la moelle dans leurs stéréotypes. Les tabous ne se balayent pas facilement, et le pays de l’Oncle Sam, derrière sa façade de champion de la liberté, n’est pas le moins coincé lorsqu’on le titille en dessous de la ceinture.
Souvent tordant, parfois hilarant, Borat ne laisse personne indifférent, à commencer par les Kazakhs furieux de se voir dépeints comme de joyeux arriérés ou les Américains abusés dans leur bonne foi. Mais rien n’y fait, on s’en dilate encore la (bo)rate !


THE GRUDGE 2 ♦
Realisation: TAKASHI SHIMIZU
USA- 2006 – 95 min
Horreur

NIPPON, NI MAUVAIS

Shimizu est un original au pays du Soleil Levant : sur quatre de ses films, deux d’entre eux sont… les remake américains des deux autres ! Pourtant, cette abnégation à s’occuper lui-même de la nouvelle version de ses deux Ju-on ne débouche pas sur des sommets du genre.
Reprenant fidèlement les éléments du premier épisode -y compris Sarah Michelle Gellar qui, dans la pure tradition de ce genre de productions, fait une brève apparition pour passer le relais - le scénario n’apporte en effet guère de sang neuf, se contentant de poursuivre sur les bases de départ, en divisant toutefois l’histoire en trois intrigues parallèles.
Gare dès lors à celui qui perd le fil ! Car si les forces qui sévissent dans The grudge 2 sont obscures, on peut en dire autant de l’imagination du réalisateur qui nous plonge dans un récit où la clarté n’est pas la qualité première.
Parade subtile pour cacher la maigreur de son ouvrage ? Comme le numéro précédent, le tome second ne révolutionne en rien le film d’épouvante. Il se contente d’utiliser les bonnes vieilles recettes, sans se forcer, en puisant d’abondance dans les références en la matière.
Le minimum syndical, en somme : pas de quoi nous flanquer une frousse mémorable, juste quelques frissons, même si le style sobre de Shimizu se démarque agréablement de certaines productions hallucinées insupportables.


OFFSIDE ♦♦
Réalisation. JAFAR PANAHI
Iran – 2006 – 88 min
Comédie dramatique

MATCH TRUQUE

Jafar Panahi poursuit sa dénonciation de la condition féminine en Iran ; quête courageuse s’il en est au vu de l’obscurantisme qui règne encore là-bas quant à certains domaines de la société.
Le cinéaste met ainsi en avant l’interdiction de stade que subissent les femmes de son pays, empêchées de jouer les supportrices par la faute de préceptes religieux d’un autre âge. Le scénario met particulièrement en exergue cette hypocrisie et le décalage que cette dernière entraîne entre des préceptes ultra rigoureux et une jeunesse irrémédiablement éprise de davantage de liberté.
La mise en scène se concentre principalement entre quelques barrières Nadar derrière lesquelles sont retenues plusieurs filles démasquées à l’entrée du stade. De là, elles vivent le match par procuration, tristes et contentes à la fois de ne rien voir de la partie mais d’avoir malgré tout osé défier l’autorité.
Cette limitation dans l’espace et une certaine légèreté de ton empêchent toutefois le film d’aller plus avant dans l’analyse de ce qu’il condamne. On l’aurait souhaité plus fouillé dans les caractères des personnages pour en faire mieux ressortir l’impact dramatique. Ainsi, le premier quart d’heure se révèle le plus intense : l’angoisse en approchant du stade, l’hésitation face à l’entrée et la fuite inutile ; autant de moments traduisant à merveille l’humiliation d’une jeune fille ne comprenant pas l’interdiction qui la vise.
Si l’intensité diminue donc au fil du récit, le message demeure néanmoins, en espérant qu’un jour les supportrices et sportives iraniennes ne devront plus subir de matchs tronqués.