c comme cinéma

jeudi, octobre 26, 2006


LA SCIENCE DES REVES ♦♦♦
(The science of sleep)
Réalisation: MICHEL GONDRY
France/Grande-Bretagne – 2005 – 105 min
Comédie fantastique

LA CLE DES SONGES

Pas de doute : Michel Gondry est un grand rêveur et nous fait partager ses songes… Après Eternal sunshine of the spotless mind, il nous décrit La science des rêves au détour d’une leçon de poésie qui berce nos âmes et fait pétiller l’esprit.
Difficile, à vrai dire, de décrire la richesse de ce mélange subtil oscillant entre love-story et quête existentielle, comédie fantaisiste et fable visuelle, au cours duquel Gondry se transforme en artisan maniant les décors en carton et les effets d’animation d’autrefois, tout en ne négligeant pas l’une ou l’autre touche de numérique.
Mais au lieu d’infliger au public un pénible ouvrage surréaliste qu’il serait le seul ou presque à comprendre, le cinéaste a l’intelligence de nous faire partager pleinement sa magie, de sorte qu’on se laisse volontiers envoûter par cette histoire pourtant toute simple d’un garçon maladroit dont le refuge imaginaire l’empêche d’assumer une passion amoureuse.
Dans cet univers déjanté mais tellement attrayant, l'excellent Gael Garcia Bernal est le rôle masculin principal au milieu de personnages bougrement attachants, dont Alain Chabat qui apporte une bonne dose d’humour au milieu de la rêverie.
Et puis surtout, il y a Charlotte. Sans fard ni maquillage mais splendide de sensibilité et de retenue, comme à son habitude. Charlotte est un rêve à elle toute seule, loin de ces comédiennes affreusement banales qui récitent un texte en se contentant de paraître. Et qu’importe si le rythme général baisse un peu vers la fin, l’âme du récit demeure intacte ; que voilà une belle science que celle qui nous fait autant rêver !


BABEL ♦♦♦
Réalisation : ALEJANDRO GONZALEZ INARRITU
USA – 2006 - 135 min
Drame

PUZZLE

Inarritu conclut un tryptique entamé avec Amours chiennes et 21 grammes, au travers de trois récits très éloignés les uns des autres et ne se déroulant pas tout à fait au même moment mais pourtant reliés par un fil ténu.
Cette marque de fabrique, le réalisateur en use à chaque fois avec réussite, rassemblant toujours les pièces du puzzle tout en conservant à chaque partie de son film une intensité propre et un intérêt intact.
Le film explore différentes relations : mari/femme, père/fille, frère/sœur, …, en plaçant l’amour qui en émane face à une adversité dont les multiples visages ont un impact dramatique pourtant similaire. Comment faire le bon choix quand on est le dos au mur? Telle est la réflexion qui ponctue les soubresauts de ces morceaux de destinée.
Si Babel compte sur quelques stars, par ailleurs assez inspirées, au générique pour attirer le spectateur, ce dernier sera tout autant séduit en cours de projection par les nombreux inconnus et amateurs qui livrent une prestation intense et éblouissante.
Le titre est évocateur : abordant la diversité humaine et tous les malentendus parfois dramatiques qu’une telle mosaïque peut engendrer, le dernier film du Mexicain fait la vie dure à la tendance du moment de voir des terroristes derrière chaque grain de sable. L’occasion aussi de jeter une volée de bois vert à l’Amérique ultra sécuritaire… La Tour de Babel est détruite mais Babel construit un tour du monde qui vaut assurément le détour.


PRETE-MOI TA MAIN ♦♦♦
Réalisation: ERIC LARTIGAU
France – 2006 – 90 min
Comédie

LA BLAGUE AU DOIGT

Les comédies à la française actuelles suscitent souvent –et à raison- des regrets quant au faible degré comique de l’histoire. Raison de plus pour savourer pleinement le nouveau long métrage de Lartigau, charmante farce romantique mettant une nouvelle fois Alain Chabat et Charlotte Gainsbourg à l’affiche, quasi en même temps que La science des rêves.
Avant de dire oui au film, ne vous attendez toutefois pas à un scénario surprenant. Prête-moi ta main reprend en effet fidèlement les ingrédients inhérents au genre et vous devinerez immédiatement où mènera cette étrange union.
Mais ce détail est ô combien compensé par les nombreux moments drôles idéalement distillés par un Chabat en pleine forme et qui enchaîne les quiproquos avec bonheur, secondé il est vrai par une famille pittoresque, Bernadette Lafont en tête.
Et comme à chacun il faut une chacune, la délicieuse Charlotte se prête au jeu de la fausse fiancée, apportant avec son charme et sa délicatesse la touche d’émotion et de tendresse dans un registre qu’elle connaît bien et où elle excelle.
Un sourire décidément irrésistible de Charlotte et voilà qu’on rêve tous d’une union aussi bien arrangée que celle-là, un gag cynique et percutant d’Alain et toutes aimeraient un faux compagnon aussi marrant que celui-ci. Belle alchimie, beau couple et belle réussite pour un film qui mérite largement qu’on lui prête nos regards amusés.


UNE VERITE QUI DERANGE ♦♦♦
(An inconvenient truth)
Réalisation: DAVIS GUGGENHEIM
USA – 2006 – 98 min
Documentaire

UN COMBAT AU GORE A CORPS

Encore un documentaire académique sur l’effet de serre ? C’est bien mal connaître « l’ex-futur Président des Etats-Unis » comme il se présente lui-même avec une délicieuse ironie ! Pas évident pourtant de tenir le crachoir pendant une centaine de minutes, graphiques et estrade d’auditoire en arrière-plan, sans que le tout ne ressemble à un cours d’université long et banal.
Davis Guggenheim utilise heureusement au mieux l’entrain de l’excellent orateur Al Gore pour que le documentaire qu’il nous propose ne sombre jamais dans l’ennui mais suscite au contraire un intérêt indispensable pour cette fichue vérité qui risque bien de nous projeter dans un avenir climatique plutôt perturbé.
La démonstration ne présente aucune faille : c’est clair, précis et d’une rigueur qui n’empêche pas l’originalité. La conférence étant par ailleurs ponctuée à intervalles réguliers de passages plus personnels, dans lesquels Al Gore revient sur les circonstances controversées entourant l’élection présidentielle de 2000 et sur son engagement déjà ancien pour l’environnement.
Il ne se prive d’ailleurs pas –mais qui lui en tiendra rigueur ?- d’écorcher les industries et les politiques, un certain « Dobeliou » en tête, pour leur incapacité à voir plus loin que le bout de leurs satanés profits personnels. Avec à la clé une planète qui se noie peu à peu.
L’optimisme n’est cependant pas exclu : de nombreuses initiatives voient le jour pour sauver ce qui peut encore l’être et, qui sait, inverser la tendance. Et une fois la démonstration terminée, une question demeure : comment un Gore aussi convaincant a-t-il pu être évincé de la Maison Blanche ?


JUGEZ-MOI COUPABLE ♦♦♦
(Find me guilty)
Réalisation : SIDNEY LUMET
USA – 2006 – 124 min
Comédie policière

UN AVOCAT A PART

On savait Sidney Lumet habitué du film judiciaire, et pourtant il parvient encore, à 82 ans bien sonnés, à nous bluffer magistralement comme le ferait un avocat talentueux.
Il faut bien avouer qu’on n’y croyait pas vraiment : placer Vin Diesel à la barre, lui qui d’habitude manie plutôt la barre de fer, fallait oser ! Et pourtant, ce contre-emploi permet à l’acteur de dévoiler une facette inattendue de son talent, dans un rôle truculent à souhait et superbement interprété. Drôle, parfois émouvant, et coiffé d’une touffe de cheveux qui le change de sa boule à zéro, Vin ne roule plus au Diesel mais à la Super !
Si le film, basé sur une histoire vraie assez récente, ne révolutionne pas le genre, il est néanmoins fort bien construit. Les dialogues de la majeure partie des scènes du prétoire sont en fait tirés des minutes mêmes du procès, augmentant ainsi la véracité de la mise en scène. Un travail de défrichage impressionnant quand on sait que le procès a duré plus de 700 jours !
L’autre aspect intéressant de Jugez-moi coupable est bien explicité dans son titre : il oblige constamment le spectateur à prendre position et décale les limites traditionnelles entre coupables et innocents. Au risque cependant de rendre sympathiques un groupe de mafieux qui, par définition, sont loin d’être des anges.
Le public peut donc rendre un verdict favorable ; seul le vrai Jackie Dee ne pourra pas juger le résultat : libéré en 2002, il est décédé pendant le tournage du film.


SCOOP
Réalisation : WOODY ALLEN
USA – 2006 – 96 min
Comédie

UN SCOOP DANS L’EAU

Voilà que Woody Allen délaisse une seconde fois son Manhattan adoré après Match Point, et regoûte à la comédie policière, un genre qu’il affectionne presque autant que sa ville fétiche.
Le dépaysement ne semble pourtant pas réussir pleinement au cinéaste. Non pas que son Scoop soit un mauvais tuyau, mais le film ne décolle jamais réellement, se contentant en grande partie d’un quasi monologue de son acteur réalisateur plus bavard que jamais ! Un babillage intempestif non dénué d’humour, certes, mais qui ne manque pas d’agacer par moments, la faiblesse du scénario ne compensant pas la prodigalité verbale imposée.
Trimballant Scalett Johansson et Hugh Jackman dans une succession de références au cinéma policier, Allen se concentre peu à peu sur une sorte d’hommage très léger au Soupçons du fameux « Tonton Hitch ». Léger mais aussi tellement évident qu’il ne contient quasi aucun suspense. Il semble d’ailleurs que là n’était pas l’intention de Woody, soucieux avant tout de souligner l’aspect comique, voire empreint de bouffonnerie, de son dernier film en date.
Le Scoop en question ne débouche donc pas sur une révélation sensationnelle. Une fois décortiqué, il s’oublie assez rapidement mais offre quelques passages intéressants au détour de scènes savoureuses qui lui évitent de ressembler à un mauvais article.


TRANSYLVANIA
Réalisation : TONY GATLIF
France – 2006 – 104 min
Drame

TINTIN EN SYLVANIE

Que Tony Gatlif nous fasse partager son amour pour la Roumanie et les cultures qui s’y côtoient, voilà une noble intention à l’égard d’un beau pays encore trop ignoré par les touristes occidentaux.
Mais les intentions ne se traduisent pas toujours en actes, comme en témoigne ce Transylvania qui loupe globalement sa cible à force de naviguer d’un style à l’autre sans véritable unité. Se serait-il contenté d’un documentaire qu’il aurait sans conteste atteint son but : montrer les traditions ancestrales, les fêtes hautes en couleurs et les populations variées de ce pays de l’Est, il n’en fallait pas plus pour mettre en exergue le talent évident du réalisateur à capter une lumière et des images pittoresques avec une acuité étonnante.
Pourquoi dès lors venir y greffer une histoire où l’irrationnel prend le dessus au fil d’un récit crispant, si pas franchement pelant par moments? Gatlif a demandé à ses acteurs de ne pas jouer, d’être authentiques au maximum, mais récolte l’effet contraire à celui désiré : à force de n’être plus ce qu’ils sont d’habitude sur un plateau, à savoir des interprètes, Asia Argento et Birol Ünel se lancent dans une prestation hystérique et surfaite qui sonne trop souvent faux, peu servie par ailleurs par une bande son exécrable qui gâche la mosaïque linguistique présente dans le film.
Peut-être épuisé par la cacophonie brouillonne qui ponctue la première moitié de Transylvania, son réalisateur se calme un peu dans la seconde partie, et laisse enfin le temps d’apprécier davantage un road movie dont on comprend mal vers quelle destination il veut nous emmener.

HET RIJKSADMINISTRATIEF CENTRUM : HISTOIRE(S) D’UNE UTOPIE A VENDRE ♦♦
Réalisation : YVES CANTRAINE
Belgique – 2006 – 90 min
Documentaire

BETON BIDON

Pour tout qui s’intéresse à l’histoire de Bruxelles, ce documentaire vaut le coup d’œil, ne fût-ce que pour la vision très panoramique qu’il offre sur une des plus grandes verrues de la capitale : la Cité Administrative , née d’une vision architecturale appartenant à une époque révolue.
En guise de témoignage, Yves Cantraine s’intéresse à ceux dont les tours étaient le lieu de travail quotidien, récoltant ainsi quantité d’anecdotes sur la vie à l’intérieur de ces tentacules de béton. Petites histoires empreintes d’humour, de nostalgie parfois, de dérision bien souvent face au caractère forcément dantesque de ces labyrinthes interminables qu’un éclairage blafard et pluvieux rend plus morose encore.
Soucieux d’englober dans son tour d’horizon tous ceux qui gravitaient autour de la Cité, Cantraine laisse parler les anciens employés, les rares commerçants installés au pied du complexe ou encore le fils du concepteur des lieux défendant bec et ongle –jusqu’à l’absurde- le travail accompli.
Travail didactique très honorable, le documentaire aurait néanmoins pu laisser quelques témoignages de côté et fouiller davantage son analyse en abordant plus en profondeur les douleurs du passé : des quartiers entiers rasés (dont une des plus vieilles rues de Bruxelles) pour faire place à ces tours froides et impersonnelles, des centaines de gens chassés de leurs logis pour y mettre des milliers de fonctionnaires navetteurs. Un aspect trop peu traité par le réalisateur, qui permet tout de même de mieux comprendre pourquoi, en dialecte bruxellois, le mot « architecte » est une insulte !


STORMBREAKER
Réalisation : GEOFFREY SAX
Grande-Bretagne – 2005 – 93 min
Comédie d’espionnage

JIMMY BOND

Après les Spy Kids, le Teen Kid ? En adaptant ce roman à succès de Anthony Horowitz, les producteurs pensaient sans doute lancer une saga d’espionnage pour ados, d’autant que les aventures du jeune homme comptent déjà cinq volumes.
Mais n’est pas Harry Potter qui veut, et tous les gadgets du monde ne valent pas une bonne baguette magique. Clin d’œil appuyé au grand frère Bond, Stormbreaker n’arrive jamais à la cheville de l’agent secret le plus célèbre de Sa Grâcieuse Majesté.
Tout y est pourtant : l’action se déroule en Angleterre, Alex Rider est ingénieux et sait se battre comme un grand, et il déjoue les dangers avec un flair remarquable… mais aussi avec l’aide d’une panoplie dont Q ne serait pas peu fier. D’accord, il est moins tombeur que le beau James, mais il a encore le temps pour ça !
Restait donc à lier la sauce avec le rythme indispensable à ce genre d’histoire. Et c’est là que la mission échoue en grande partie : on n’a pas l’air de beaucoup s’amuser au MI6 ! Plusieurs parties souffrent d’une solide baisse de régime, et Alex Pettyfer a beau se démener comme un beau diable, on s’ennuie tout de même fréquemment.
Les scènes finales, assez spectaculaires, ravivent un instant l’intérêt, mais l’ensemble reste trop prévisible. Sans doute les enfants et jeunes adolescents y trouveront-ils quelques occasions de rêver, mais la lecture des bouquins fera sans nul doute travailler bien davantage leur imagination.


PULSE
Réalisation: JIM SONZERO
USA – 2005 – 85 min
Horreur

L’EFFET TRAGIQUE DE PULSE

Il y avait jadis un parfum à l’effet magique dont le slogan est resté fameux : « Quand vous le portez, tout peut arriver ! » Pulse ne restera sûrement pas autant dans les mémoires, d’autant plus qu’après Ring ou The Grudge, il n’est qu’un remake américain de plus d’un film fantastique nippon, Kaïro.
Le point de départ est cependant intéressant, développant l’idée d’un phénomène étrange circulant à travers les ordinateurs, histoire d’amener la réflexion sur les mordus du net scotchés devant leur PC du matin au soir et dont certains développent une véritable dépendance à leur machine.
Pas trop mal interprété, le film manque néanmoins de scènes marquantes d’un point de vue visuel. Quitte à américaniser le tout, on pouvait espérer une plus grande recherche quant aux scènes d’horreur, davantage de gore et de punch dans la mise en scène. Et le premier mort à peine refroidi, il devient vite évident que bon nombre des séquences suivantes suivront à peu près le même canevas, à savoir la disparition successive des principaux intervenants.
Peu de véritable suspense, donc, ni de grand moment de terreur, et une fin philosophique en guise de requiem pour une histoire pas totalement déplaisante mais qui ne fait que se rajouter à la longue liste des films d’horreur sortis ces dernières années. Pas de zéro pour Sonzero qui pouvait toutefois insuffler davantage d’effet magique à son Pulse.


MONSTER HOUSE ♦♦
Réalisation : GIL KENAN
USA – 2006 – 91 min
Animation

ENNEMITYVILLE

Monster House devient le 2e film après Le Pôle Express à être entièrement réalisé avec la Performance Capture, qui recrée à la perfection les gestes et expressions des comédiens en infographie.
Techniquement très au point donc, encore faut-il que le film raconte une histoire à la hauteur. Ce qui est le cas pendant une bonne moitié de l’intrigue, dans laquelle Gil Kenan emprunte avec bonheur le thème mythique de la maison hantée pour le transplanter dans le monde de l’enfance.
Pas de « nunucheries » qui tienne, dès lors ! Les mômes auront droit à un récit bien noir, « burtonien » en diable, dans lequel les bonnes fées n’ont pas droit de cité. Tronches bien corsées, frissons et moments spectaculaires garantis pour le public ciblé, tout comme pour les adultes qui seront nombreux à y trouver leur compte.
La seconde partie ne tient néanmoins pas aussi bien la route : une fois l’effet de surprise passé, l’originalité initiale ne se renouvelle pas et les trois héros en culottes courtes se perdent un peu dans les couloirs sombres de cette bâtisse inhospitalière, de même que l’humour se fait nettement plus discret. Et au plus le dénouement approche, au plus le manque d’idées est compensé tant bien que mal par une succession d’effets visuels.
Ces défauts de construction ne font heureusement pas s’écrouler tout l’édifice, et Monster House reste un investissement immobilier très honorable.


SEE NO EVIL
Réalisation: GREGORY DARK
USA – 2006 – 84 min
Horreur

MAISON CLOSE

Le célèbre catcheur Hulk Hogan n’a qu’à bien se tenir : voilà que l’abominable Kane se lance au cinéma, dans un rôle qui, on s’en doute, ne fait pas dans la dentelle ! Et ce même si le réalisateur, au nom prédestiné pour les films d’épouvante, était plutôt jadis un spécialiste des tenues légères et des productions pour adultes !
Ce drôle de mélange aurait pu déboucher sur un navet monstrueux, mais à condition de le prendre au second degré, ce See no evil n’est pas pire que bien des titres du même acabit. Evidemment, comme nous l’écrivons souvent, difficile de déceler le moindre trait de génie ou une quelconque innovation, d’autant plus que les films d’horreur centrés sur le même sujet ont tendance à foisonner ces derniers mois.
On reprend donc les mêmes ficelles : maison lugubre, phénomènes inquiétants, et jeunes protagonistes plutôt sexy qui ont une fâcheuse tendance à se faire occire à tour de rôle. Enfin pas trop tout de même, car il en faut bien un ou deux pour survivre au carnage et neutraliser le méchant…
Humour forcément noir, effets gore assez réjouissants et un serial killer-catcheur dont le rôle est un rien plus fouillé que le simple costaud de service qui trucide à qui mieux mieux ; de quoi assister au spectacle sans mourir d’ennui, à défaut de mourir de peur.


WORLD TRADE CENTER ♦♦♦
Réalisation: OLIVER STONE
USA – 2006 – 130 min
Drame

LES TOURS INFERNALES

Après le United 93 de Greengrass, c’est au tour d’Oliver Stone de commémorer le 5e anniversaire des attentats qui ont marqué le monde, en choisissant également de se focaliser sur un aspect bien précis de la tragédie.
Hommage appuyé aux sauveteurs dont bon nombre ont laissé leur vie en essayant de sauver celle des autres, World Trade Center constitue également une excellente reconstitution des événements dans les tours frappées à mort ainsi qu’aux alentours. Certaines scènes sont ainsi très impressionnantes : le moment où l’immense bâtiment s’effondre est vécu de l’intérieur, permettant ainsi de palper à vif la terreur des malheureux pris au piège.
S’installe alors un huis clos angoissant au sein duquel les héros pensent vivre leurs derniers instants, moments propices aux flash-back et aux regrets de laisser ceux qu’ils aiment. Parallèlement, la mise en scène nous transporte dans leurs familles respectives en nous faisant partager les heures d’anxiété suivant la catastrophe.
Seul point discutable : Stone n’a pu s’empêcher d’insérer une séquence mystique assez grotesque par rapport à l’ensemble, même s’il tente de la justifier par l’intermédiaire de Jimeno. Il flirte aussi par moments avec un patriotisme américain pas forcément de bon aloi, mais heureusement compensé par l’incrustation finale qui rappelle fort à propos que les victimes des tours appartenaient à plus de 80 nationalités. World Trade Center, globalement très réussi, rappelle donc de cette façon que les terroristes ont, en quelques sorte, raté leur cible.


THE WAY I SPENT THE END OF THE WORLD ♦♦
(Cum mi-am petrecut sfïrsitul lumii)
Realisation: CATALIN MITULESCU
Roumanie – 2005 – 106 min
Comédie dramatique

REVOLUTION EN CULOTTES COURTES

La révolution roumaine de 1989 n’a pas fini d’inspirer les cinéastes de ce pays, tant le sujet est riche en controverses et anecdotes personnelles. Sans doute aussi parce que le régime honni de Ceausescu concernait chaque citoyen, depuis la victime du système jusqu’au lâche partisan du tyran.
Mitulescu choisit ici de décrire ces différents aspects en se penchant sur une petite communauté et en témoignant de la vie quotidienne aux alentours de la chute du régime. Vie pénible pour cette société d’alors en mal d’avenir, et pourtant bien décidée à s’en sortir malgré tout avec les moyens du bord.
Fable tragi-comique, The way I spent… nous transporte mieux que certains documentaires au cœur d’une époque heureusement révolue. Le film permet d’appréhender les règles et comportements aberrants en vigueur alors, tout en s’attachant à une poignée de personnages attachants et au regard si particulier des enfants.
Le réalisateur se disperse néanmoins un peu trop en cours de route, centrant tout d’abord le fil de son histoire sur Eva (sublime Dorotheea Petre) et son amoureux, avant de se désintéresser totalement de ce dernier pour passer à autre chose. Ce changement de cap nuit à l’unité du récit et l’empêche du même coup d’émouvoir suffisamment. L’ensemble permet toutefois de découvrir de façon inhabituelle un pan du sombre passé de ce beau pays européen encore méconnu qui reste toujours marqué par ses fantômes.

CA REND HEUREUX ♦♦
Réalisation : JOACHIM LAFOSSE
Belgique – 2005 – 85 min
Comédie

HEROS SANS EMPLOI

L’idée de tourner un film sur un film n’est évidemment pas neuve, mais quand c’est fait avec autant de bonne humeur communicative, il mérite qu’on s’y attarde ! Pour son deuxième long métrage tourné en HD, Joachim Lafosse nous livre une drôle d’autobiographie, fictive et réelle à la fois, dans laquelle les personnages principaux sont, à l’instar de Gaston Lagaffe, des héros sans emploi.
Tout à tour attachants, drôles, émouvants, ces chômeurs qui en ont marre d’arpenter les bureaux de pointage nous décrivent une tranche de société qui n’a rien de fictif, un groupe d’individus contraints à la débrouille pour se sortir du marasme social. Avec leur maladresse, ils nous convient à un making of des plus folkloriques sur un plateau où règne un joyeux foutoir.
Mais au-delà de ce tournage hypothétique, le film séduit également pour son côté résolument belgo-belge qui rend le cinéma de notre pays si particulier et attire décidément de plus en plus de regards intéressés au-delà de la frontière. Personnages francophones et flamands reconstituent dans ce microcosme de plateau la mosaïque linguistique de la Belgique.
Abattant ainsi les frontières avec beaucoup d’énergie positive, le réalisateur évite le ton plaintif pour adopter l’humour et la légèreté, et si la mise en scène n’empêche pas certaines séquences d’être répétitives, elle ne rend en tout cas personne malheureux.


LUCKY GIRL
(Just my luck)
Réalisation : DONALD PETRIE
USA – 2006 – 103 min
Comédie

CA PORTE BONHEUR

Donald Petrie poursuit dans le même registre que son Comment se faire larguer en 10 leçons, déjà fameux en matière de comédie à l’eau de rose. Ayant donc visiblement trouvé son créneau –chacun son truc !- le réalisateur ne se creuse pas trop les méninges, tant son histoire est prévisible d’un bout à l’autre.
En effet, nul besoin d’être un scénariste de génie pour deviner très rapidement les tenants et aboutissants des situations qui défilent devant nos yeux. Vraiment rien de neuf ni de très original, ni même de très rigolo.
L’humour supposé rendre cette comédie irrésistiblement drôle étant tout sauf… irrésistible, on ne se bidonnera donc pas non plus devant les scènes cocasses qui auraient pu être plus percutantes en bénéficiant d’une meilleure mise en scène.
Tout au plus gratifiera-t-on cette Lucky Girl d’un sourire de temps à autre grâce à la fraîcheur de ses jeunes interprètes qui portent sur leurs frêles épaules tout le poids de cette comédie pop corn par excellence.
Chris Pine et Lindsay Lohan forment un couple sympa au travers de leurs maladresses respectives, échangeant à tour de rôle leur veine et déveine. La jeune femme, il est vrai, est comme Petrie une spécialiste du registre susmentionné. Une chance finalement pour ce cinéaste dont les comédies sans prétention ne laisseront pas une trace indélébile dans les dictionnaires de films.


LES INVISIBLES ♦♦
Réalisation : THIERRY JOUSSE
France – 2004 – 85 min
Comédie dramatique

L’AMOUR EST AVEUGLE

Sortie discrète et bien tardive pour ce film qui méritait davantage d’attention. Premier long-métrage de Thierry Jousse, ancien rédac-chef des Cahiers du Cinéma, Les invisibles est un essai intéressant, dans lequel les références ne manquent pas.
Entre fantasme et réalité, l’histoire oscille dans un no man’s land composé d’émotions et de sonorités, dans un Paris anachronique où le héros poursuit la femme qu’il aime mais qu’il n’a jamais vue, seulement touchée dans l’obscurité et entendue via un réseau téléphonique, ancêtre du « chat » actuel sur internet..
C’est à partir de ce canevas que le scénario nous procure quelques jolies scènes d’intimité, et nous fait vivre la passion amoureuse d’un homme qui préfère une liaison artificielle à une relation conventionnelle. Cette frontière entre réalisme et fantastique survient un peu à l’improviste, au gré des pérégrinations de Bruno, dans un souci très « lynchien » de Jousse de brouiller les cartes.
A cet égard, l’apparition de Michael Lonsdale, en excellent second rôle énigmatique, ne manque pas de rajouter une touche de bizarrerie au fur et à mesure de l’évolution d’un récit qui sort de plus en plus des sentiers battus dans sa seconde partie.
Malgré des moments inégaux, surtout dans les scènes diurnes et chez quelques acteurs, l’ensemble reste régulièrement intrigant et nous entraîne dans une ambiance très particulière pour laquelle le film méritait de ne pas rester… invisible.


THE SENTINEL ♦♦
Réalisation : CLARK JOHNSON
USA – 2005 – 108 min
Thriller

23 HEURES 30 CHRONO

Toute ressemblance avec une série télé culte ne serait-elle vraiment que pure coïncidence ? Pas sûr ! Car avec Kiefer Sutherland au générique dans le rôle d’un enquêteur des services secrets et le rythme imprimé à l’action, The sentinel aurait parfaitement pu constituer une saison honorable de 24 heures chrono.
On repassera donc pour l’originalité, mais Clark Johnson, en débauchant un bien joli casting, réalise toutefois un honnête thriller qui utilise plutôt bien les différentes ficelles du genre, en nous emmenant au cœur des services secrets américains et de toute la technologie dont ils disposent pour traquer les vilains pas beaux qui en veulent à la gentille Amérique.
Sans trop de temps mort, l’intrigue reste dynamique d’un bout à l’autre, servie, donc, par quelques pointures de taille : hormis le héros de la série précitée, Michael Douglas (qui rappelle le Clint Eastwood de Dans la ligne de mire), Eva Longoria et Kim Basinger (en First Lady très Jackie Kennedy) complètent un beau quatuor.
L’épilogue déçoit malgré tout : le scénario laissait espérer un dénouement inattendu quant au mystérieux coupable, un coup de théâtre qui finalement ne vient pas, se contentant d’une conclusion très classique. Cette frustration mise à part, le dossier mérite qu’on y jette un œil… tout en restant vigilant, ça va de soi pour un agent digne de ce nom.


ILS
Réalisation : XAVIER PALUD & DAVID MOREAU
France – 2005 – 78 min
Thriller

JE TUE ILS

Pays bon marché question tournages, la charmante et méconnue Roumanie n’a pas fini de colporter sa tradition de contrée ficheuse de trouille ! Rien de « draculesque » dans Ils mais tout de même une histoire inquiétante inspirée, paraît-il, de faits réels.
Le problème est que le film, malgré sa courte durée, s’enferme dans une linéarité permanente et monotone ainsi qu’une certaine répétitivité qui lui enlève une bonne partie de son potentiel inquiétant.
Et une fois que les deux héros malheureux sortent de leur bâtisse envahie par ces mystérieux « ils », l’histoire bascule carrément dans une resucée du Projet Blair Witch, qui, forcément, ne risque pas de faire crier au génie le spectateur peu terrifié par des scènes vues et revues de course effrénée dans les petits bois environnants.
Le début s’annonçait pourtant prometteur, avec une image aux couleurs installant une atmosphère anxieuse, annonciatrice des pépins à venir. Et une première scène en roumain pas mal réussie, même si son utilité par rapport à l’ensemble est plutôt floue.
Pour leur premier long métrage, Palud et Moreau font donc encore preuve d’une certaine maladresse dans leur mise en scène. On aurait ainsi souhaité voir Olivia Bonamy et Michaël Cohen mieux dirigés pour former un couple plus convaincant. La tension est présente mais pas assez pour inscrire la Roumanie sur la liste des pays terrifiants. Tant mieux pour son Ministère du Tourisme.