c comme cinéma

mercredi, septembre 30, 2009

GRAN TORINO ♦♦♦
Réalisation. CLINT EASTWOOD
USA – 2008 – 115 min.
Drame

CLINT, À FOND LA CAISSE

Vétéran de la Guerre de Corée, Walt Kowalski vient d’enterrer sa femme. Le vieil homme, devenu irrascible, misanthrope, et quelque peu raciste, ne s’entend guère avec ses fils et ses petits-enfants.
Il ne supporte pas davantage ses voisins, une famille d’origine asiatique, les Hmong, dont les coutumes et la façon de vivre l’indisposent au plus haut point.
Mais lorsqu’un gang de jeunes délinquants se met à menacer les Hmong et l’ordre qui règne dans le quartier, Kowalski est bien déterminé à ne pas laisser faire sans réagir.

Très peu de temps après L’échange, Clint Eastwood revient déjà au cinéma, mais cette fois aussi bien devant que derrière la caméra. Ce double emploi ne l’empêche pas de livrer à nouveau un excellent film ainsi qu’une formidable prestation.
Tout repose évidemment au départ sur l’interprétation de l’acteur: son personnage au caractère insupportable et ses opinions ultra-conservatrices pas franchement teintées de tolérance en font un être plutôt repoussant.
La suite du scénario a ceci d’intéressant qu’elle est à la fois prévisible et déroutante, car si les opinions du héros vont bien sûr être amenées à se transformer au contact d’une jeune voisine asiatique, l’ambiance du film continue cependant à naviguer dans un flou ambigu: va-t-on assister à une énième démonstration d’auto-justice?
Mais au-delà de cette question, Walt Kowalski, qui se découvre peu à peu, fascine d’un bout à l’autre; sa magnifique Gran Torino qu’il entretient précieusement symbolisant le passé dans lequel ses conceptions restent -en surface du moins -enfermées.
Un passé qui cache aussi son lot de vieux démons, tels qu’ils se révèlent dans une dernière partie somptueuse laissant penser à une révérence que tirerait l’acteur Clint. Dernière sortie ou non, le cinéaste Eastwood a fait de son Gran Torino un nouveau «gran» film.

ENVOYÉS TRÈS SPÉCIAUX
Réalisation. FRÉDÉRIC AUBURTIN
France – 2008 – 93 min.
Comédie

INFO INTOX

R2I, célèbre radio d'info, décide d’envoyer de toute urgence en Irak son meilleur reporter, Frank, accompagné de Poussin, un ingénieur du son, pour y couvrir les événements qui s’y déroulent.
Mais au moment d’embarquer, Poussin se rend compte qu’il a jeté par mégarde l’enveloppe contenant tout l’argent du voyage! N’osant avouer une pareille gaffe à leur employeur, Frank et son collègue se planquent dans le quartier Barbès, à Paris , pour y réfléchir à une solution.
Une seule leur apparaît comme évidente: monter un reportage bidon pour faire croire qu’ils sont bel et bien en Irak.

Il y avait de quoi monter un bon vaudeville autour du duo des deux Gérard, d’autant plus en abordant les dérives de la course effrénée à l’info qui poussent bon nombre de chaînes à ne plus suffisamment vérifier l’authenticité de leurs sources.
Mais Frédéric Auburtin ne s’est malheureusement pas senti l’âme d’un grand reporter, ni d’un grand comique non plus d’ailleurs: filmée mollement, sa comédie accumule les dialogues creux et les situations téléphonées, en se contentant de quelques passages amusants générés par le contraste entre les personnages de Frank et de Poussin. Même si Lanvin en éternel dur à cuire et Jugnot abonné aux rôle de bonne poire maladroite, ça commence à sentir le réchauffé!
Quant au sujet abordé, celui d’otages aux mains de terroristes, il demeure délicat car il rappelle une réalité récente et tragique, celle de malheureux s’étant fait détenir ou occire dans des conditions épouvantables. Trop tôt dès lors pour aborder un tel thème avec le parti d’en rire? Pas forcément, mais alors avec une finesse et une créativité qui font trop fréquemment défaut ici.
Surtout que le film se traîne une heure durant avant de soudain démarrer en trombe pour retomber ensuite comme un soufflé avec une fin d’une facilité déconcertante. Bien loin d’un grand reportage en direct du rire, Envoyés très spéciaux se regarde distraitement et hormis quelques bons moments, n’a rien de très spécial.

RICKY
Réalisation. FRANÇOIS OZON
France – 2008 – 90 min.
Comédie fantastique

RIQUIQUI

Katie, une femme ordinaire maman d’une petite fille, travaille dans une usine. C’est là qu’elle fait un jour la connaissance de Paco, un homme comme les autres, avec qui elle entame une relation amoureuse.
Lorsqu’elle tombe enceinte, Katie pense que son existence va redémarrer sur des bases plus équilibrées et connaître enfin une vraie vie de famille.
De fait, quand Ricky vient au monde, tout semble sourire au jeune couple. Mais des événements surprenants vont très vite venir troubler cette quiétude.

Décidément, le cinéma français et le genre fantastique ne font pas très bon ménage! Surtout lorsque, dans le cas présent, François Ozon a le coeur qui balance sans arrêt entre différents styles et rend son film tellement hybride qu’il serait bien délicat de le cataloguer dans telle ou telle catégorie.
Démarrant d’abord dans le social, Ricky flirte avec les frères Dardenne: style épuré, milieu ouvrier, héros besogneux locataires dans un HLM,… Le virage vers le fantastique n’apparaît que très progressivement, après avoir transité par une phase angoissante qui restera d’ailleurs présente en filigrane tout au long de l’histoire. Le fantastique consistant dans certaine aptitude du bébé que nous ne dévoilerons pas ici (même si plusieurs bande-annonces du film commettent l’erreur de tout dévoiler!). Le bambin, doté d’une sacrée bonne bouille, est l’atout principal de ce long métrage, de même que les effets spéciaux bien fignolés qui l’affublent d’un équipement assez étonnant.
On ne peut en dire autant des autres personnages –malgré une interprétation sobre de Alexandra Lamy et Sergi Lopez-, trop souvent sans la moindre profondeur et perdant toute crédibilité en faisant preuve d’une insouciance totale devant certains événements surgissant dans la dernière partie du récit. Et le final d’une naïveté confondante fait d’autant plus regretter tout le potentiel d’un Ricky que Ozon, à force d’oser un peu tout et n’importe quoi, a rendu bien trop riquiqui.

24 CITY ♦♦
(Er shi si cheng ji)
Réalisation. JIA ZHANG KE
Chine - 2008 – 112 min.
Drame

CHINE NOUVELLE

La ville de Chengdu , aujourd'hui. Petit à petit, l'usine 420 et sa cité ouvrière modèle disparaissent pour laisser place à un complexe d'appartements de luxe: «24 City».
Pour de nombreuses personnes ayant connu l’usine de près ou de loin, ce changement marque une vraie révolution dans leur vie quotidienne. Qu’ils soient anciens ouvriers ou nouveaux riches chinois, entre la nostalgie du socialisme passé pour les anciens et le désir de réussite pour les jeunes, il faut s’adapter aux nouvelles réalités qui transforment la Chine.

Mélangeant allègrement le style documentaire et la fiction, 24 City a le mérite d’offrir un aperçu de la société chinoise actuelle via les transformations radicales qu’elle a subies, passant d’un système communiste pur et dur à un étrange compromis entre économie d’état et de marché qui n’a pas fini d’intriguer le reste du monde.
Jia Zhang Ke compose donc un récit imaginaire tournant autour de trois femmes d’une part, et de cinq ouvriers d’autre part, dont les témoignages retracent les souvenirs liés à cette ancienne usine militaire d’Etat appelée à disparaître.
Le contraste entre passé et présent, entre archaïsme et modernité, est donc omniprésent et résume le destin du peuple chinois à travers une existence bien souvent austère pour des centaines de millions d’entre eux. Hormis les lieux en pleine transformation, ce sont aussi les personnages qui incarnent les changements évoqués: depuis l’ancien ouvrier encore régi par des règles éculées jusqu’à la jeune femme ambitieuse et résolument capitaliste.
Cet aperçu d’une culture et d’un mode de vie lointains pour nos yeux d’Occidentaux, aussi intéressant soit-il, n’en devient pas moins répétitif au fil des témoignages de même qu’il évite soigneusement toute polémique quant au système chinois. Une concession vraisemblablement inévitable pour un cinéaste qui veut exercer son métier dans son pays, mais qui, globalement, n’affecte pas la bonne teneur de l’ensemble.

BOTTLE SHOCK ♦♦
Réalisation. RANDALL MILLER
USA – 2008 – 106 min.
Comédie dramatique

IN VINO VERITAS

Paris, au milieu des années 70. Depuis qu’il exploite un magasin de vin, l’Anglais Steven Spurrier a un grand rêve: mettre à mal l’écrasante domination française et faire enfin découvrir les vins du Nouveau Monde.
Pour ce faire, il décide d’organiser une dégustation de vin internationale et part aux Etats-Unis en quête de bons crus. Là, il est fortement impressionné par le Chardonnay de Jim Barrett, un vigneron têtu et perfectionniste qui a toujours refusé de baisser les bras malgré le peu de crédibilité qui lui a été accordé jusque là.
Néanmoins, Jim refuse de participer au concours de Spurrier, en qui il ne voit qu’un snob britannique sans intérêt.

Si le Jugement de Paris n’évoque sans doute pas grand-chose au commun des mortels, il n’en va pas de même pour les oenophiles: l’année 1976 marqua en effet un tournant en consacrant un vin californien au nez et à la barbe des Français. Bottle Shock entreprend donc de retracer de façon romancée la mise sur pied de cet événement.
Louable intention, qui ravira les spécialistes tout autant que les profanes en la matière, d’autant que le film offre un joli parcours ensoleillé au milieu des beaux paysages des vignobles californiens. L’excellent Sideways en faisait déjà de même, mais le vin n’était là qu’un prétexte à une très belle histoire relationnelle. Bottle shock, lui, reste centré quasi exclusivement sur la dive bouteille et le combat –vain en apparence- des Américains pour faire connaître leurs cépages.
Mais tout comme le vin connaît ses grands crus et ses moins bons millésimes, le film alterne le meilleur et le pire. Si l’histoire mise en bouteille par Randall Miller connaît ses meilleurs moments lorsqu’elle se déroule Outre-Atlantique, elle tourne par contre à la piquette lors des scènes censées se dérouler dans l’Hexagone. Bourrées de clichés réduisant en gros la France des années 70 à la 2 CV, le béret et la baguette, ces séquences profondément ridicules ont de quoi faire avaler de travers.
Ces quelques déchets mis à part, le récit demeure plaisant pour son côté pédagogique et transmet efficacement l’amour du vin aux amateurs de bonnes choses.

CITY OF EMBER ♦♦
Réalisation. GIL KENAN
USA – 2008 – 95 min.
Fantastique

LUMIÈRES ET ZONES D’OMBRE

Depuis de nombreuses générations, les habitants de la cité d'Ember mènent une vie harmonieuse sous les millions de lumières qui illuminent leur cité souterraine.
La jeune Lina, qui vient d’achever ses études, vient de se voir attribuer la fonction qui sera la sienne pendant toute sa vie d’adulte: messagère dans la cité. Quant à son ami Doon , il se voit chargé de l’entretien du générateur qui depuis environ 200 ans maintient ce monde souterrain en vie.
Or, depuis quelque temps, les coupures de lumière se multiplient et face à la nuit qui menace, tous commencent à s'inquiéter. Existe-t-il un moyen caché pour sauver la cité? Doon et Lina veulent en tout cas y croire.


Tiré du roman éponyme de l’écrivain Jeanne DuPrau, qui a depuis écrit deux suites, City of ember représente-t-il un nouveau projet de saga cinématographique en cas de succès du présent film?
Toujours est-il que celui-ci se termine sans laisser de questions ouvertes –et donc sans présager une hypothétique séquelle- ce dont on saura gré aux producteurs. D’autant plus que si le début s’avère prometteur, le récit perd progressivement son attrait pour ne plus être qu’une histoire convenue entretenue par un jeu de piste plutôt longuet. Or, les premières minutes –un groupe de sages enfermant dans une boîte scellée pour deux cents ans le secret du monde non souterrain- laissaient présager une épopée trépidante et teintée de mystère.
Heureusement que l’originalité des décors sauve la mise, ainsi que l’entrain des deux jeunes protagonistes, dont la fraîcheur se diffuse au gré de ces aventures davantage visuelles que scénaristiques, et imprégnées d’un message écologique.
Les enfants, à qui s’adresse clairement City of ember, apprécieront sans doute cet univers inventif et claustrophobe aux costumes colorés et aux maquillages extravagants, auquel participent quelques «noms» tels que Bill Murray, Tim Robbins ou Martin Landau. Ce sont là les éléments lumineux d’un film qui n’évite pas toujours de se laisser gagner par des zones d’ombre.