c comme cinéma

vendredi, mars 30, 2007


BOBBY ♦♦♦
Réalisation. Emilio Estevez
USA- 2006 – 120 min
Drame

RFK

La tragédie des Kennedy continue, 40 ans après, à fasciner l’Amérique et une partie du monde. Oliver Stone et son magistral JFK abordaient la mort de John en 1963 ; Estevez se penche quant à lui sur l’assassinat de Robert en 1968.
L’approche est néanmoins très différente : il ne s’agit en rien d’une enquête sur le meurtre et ses motifs, mais de multiples histoires personnelles qui s’entrecroisent sur les futurs lieux du drame. C’est le récit de quelques destins anonymes pour qui le 4 juin 1968 aurait du être une journée comme bien d’autres mais qui a failli être la dernière.
Le réalisateur, loin de nous embrouiller avec cette multitude, enchaîne avec beaucoup de virtuosité les scènes sans qu’aucune cassure ne se ressente au niveau de l’unité. Les mouvements de caméra très fluides entraînent le spectateur au cœur de l’intrigue ; une sensation d’autant plus accentuée dans la dernière partie, celle où le drame se joue.
Les décors et tenues vestimentaires de l’époque ont été particulièrement soignés également, de sorte que les quelques images d’archives bien réelles se mélangent harmonieusement avec les images du tournage. Un plateau au casting exceptionnel, où les grands noms se bousculent sans pour autant se faire de l’ombre.
Bobby Kennedy méritait bien cet hommage, lui dont le discours semble étrangement si actuel aujourd’hui, et qui aurait sans doute été –malgré les défauts inhérents à chaque politicien- un hôte de choix à la Maison Blanche.


BLANCHE NEIGE LA SUITE ♦♦♦
Réalisation. PICHA
France/Belgique – 2006 – 82 min
Dessin animé

BLANCHE FESSE ET LES 7 MAINS

Sonnez hautbois, résonnez trompettes et tout le tsoin-tsoin : Picha est de retour au cinéma, longtemps après avoir juré qu’on ne l’y reprendrait pourtant plus. Seuls les imbéciles ne changeant pas d’avis, l’artiste a donc eu la bonne idée de remettre le couvert et de nous resservir une fameuse louche d’irrévérence et d’humour vache dont il connaît si bien la recette.
Les Palais Royaux, Principautés et autres « Disneyeries » n’ont donc qu’à bien se tenir : cette fois, c’est leur petit monde enchanté qui se voit relooké par la verve de Picha et ses dessins à la griffe si particulière. Voilà que Blanche Neige, pure et fichtrement innocente, se voit concurrencée par Cendrillon et la Belle au Bois Dormant, deux gonzesses qu’on ne connaissait pas sous cet angle… Et que dire des Sept Nains, hilarants nabots lubriques pour qui, visiblement, la taille n’a pas d’importance !
Sexagénaire mais toujours aussi sale gosse, le réalisateur-dessinateur colle à ses planches des dialogues tordants récités par un Jean-Paul Rouve et une Cécile de France au mieux de leur forme vocale. Et quelques chansonnettes du même acabit jalonnent le récit décidément bien poilant.
La griffe du maître est donc intacte, et qu’importe si depuis les années 80, les South Park et autres ont rajouté quelques degrés d’impertinence au genre ; Picha demeure très convaincant. Pourvu qu’il n’imite plus Blanche Neige en passant les vingt prochaines années à pioncer loin du grand écran !


ERAGON
Réalisation. STEFEN FANGMEIER
USA – 2006 - 104 min.
Aventures

LE SEIGNEUR DES DRAGONNEAUX

Adaptation d’un best-seller, Eragon surfe en même temps que les dragons sur la vague du succès planétaire rencontrée par Le seigneur des anneaux. C’est dire s’il en emprunte d’un bout à l’autre les mêmes techniques, des décors similaires et une panoplie d’effets spéciaux de la même veine.
Déployant donc les grandes ailes de l’héroic-fantasy, le récit ne manque pas d’envergure, du moins sur le papier. Dans la pratique cependant, Fangmeier souffle le chaud et le froid pour son premier long métrage. Une fois passées les premières minutes, et malgré quelques scènes bien fignolées, l’histoire se fige, victime d’un déjà-vu permanent et du manque de conviction évident de ses protagonistes.
Malkovich et Irons ont beau être des acteurs confirmés, ils n’en ont pas moins l’air peu motivés par leur sujet. Un reproche dont ne peut souffrir le débutant Edward Speleers, si ce n’est que son inexpérience, mal maîtrisée par une mise en scène pataude, l’empêche de donner la dimension requise à son personnage.
Réservé dès lors davantage à un jeune public qu’à l’ensemble des cinéphiles, Eragon reste sans conclusion, la trilogie littéraire dont il est issu devant en principe lui assurer deux autres épisodes au grand écran. Il faudra d’abord que la production revoie sa copie et que Speleers gagne en maturité pour que cette histoire de dragon crache réellement le feu.


SAW III ♦♦
Réalisation. DARREN LYNN BOUSMAN
USA – 2006 – 107 min
Horreur

CARNAGE A TROIS

A raison d’un massacre par an, Saw s’installe confortablement parmi les bonnes séries d’horreur du grand écran, d’autant plus que chaque numéro reste de qualité honorable. En témoigne ce 3e épisode, dans lequel les âmes sensibles feront mieux de s’abstenir face au déferlement d’hémoglobine et de raffinement sadique. Car on ne meurt pas n’importe comment avec Darren Lynn Bousman ! Pas de mort violente au programme, au contraire : chaque condamné a le temps de voir le trépas arriver, dans une mise en scène macabre et particulièrement cruelle. De quoi crier au génie ou se sentir mal à l’aise devant la créativité des scénaristes qui semblent devenus de parfaits bourreaux en herbe au fur et à mesure que le sinistre héros multiplie ses jeux de vilains.
Prière donc de ne pas déjeuner avant la vision, sous peine de rendre l’âme en même temps que les suppliciés du film, le clou du cercueil et du spectacle étant sans nul doute une longue séquence de trépanation qui restera dans les mémoires.
Plutôt que de poursuivre sur la lancée de Saw II et sa thérapie de groupe, l’histoire en revient à un schéma plus intimiste et peu de personnages, conservant ainsi une sensation de huis clos oppressante de bout en bout. Efficace dans son exploration de la folie criminelle, elle nous transforme en voyeurs contemplatifs, sentiment dérangeant dans le présent contexte alors qu’il ne nous émeut guère face à l’actualité quotidienne qui abonde pourtant de faits peu ragoûtants.
Et comme toute série qui se respecte, la conclusion, aussi brutale soit-elle, laisse la porte grande ouverte à une 4e séance de torture, prévue fin 2007 !


12 :08 EAST OF BUCHAREST ♦♦
(A fost sau n-a fost)
Réalisation: CORNELIU PORUMBOIU
Roumanie – 2005 – 89 min
Comédie dramatique

22-12-89 : RIEN

Les Roumains n’ont pas fini de débattre sur les événements qui, fin 1989, les débarrassèrent du dictateur qui les opprimait. Ce sujet récurrent alimentera pour longtemps encore les amateurs d’Histoire. Corneliu Porumboiu décide donc d’en remettre une couche à l’attention de ses compatriotes, mais de façon pour le moins originale au travers de cette comédie grinçante.
Son film est en effet coupé en deux parties très distinctes : la première, relativement « mobile », décrit la préparation du directeur de la chaîne locale pour le débat. L’occasion aussi de présenter les personnages truculents qui composent l’histoire et de préciser le sujet pour tout qui n’est pas familier avec les tenants et aboutissants de la Révolution roumaine.
Effectuant alors un virage à 180 degrés, la deuxième partie constitue quant à elle un vrai morceau de bravoure pour les trois acteurs principaux : en un énorme plan-séquence de quasiment 45 minutes, ils tiennent le crachoir sans la moindre pause pour se livrer à un débat contradictoire bourré d’humour sur le sujet qui les divise tant ! L’occasion d’apprécier le sens roumain de la dérision au travers d’une émission télé foireuse qui réussit à ne jamais lasser les spectateurs malgré sa longueur. Si le titre original (« Y a-t-il eu ou pas ? ») est plus évocateur quant à la trame du scénario, cette satire réjouissante du désenchantement post-communiste laisse percevoir tout le potentiel du jeune réalisateur Porumboiu.


DONDURMAM GAYMAK ♦♦
Réalisation. YUKSEL AKSU
Turquie – 2006 – 100 min
Comédie

UNE CREME DE GLACIER

Joli succès dans son pays, et nominé aux Oscars 2007 pour le Meilleur film étranger, Dondurmam Gaymak est un sympathique film indépendant qui se situe à contre-courant du cinéma populaire turc actuel.
Fleurant bon la campagne et évoquant les vieux films français des années cinquante, il apparaîtra sûrement à notre public occidental comme gentiment démodé et empreint d’une naïveté que l’on ne voit plus guère dans le cinéma actuel, mais la mise en scène est suffisamment chaleureuse pour qu’on se laisse entraîner sans difficulté dans les pérégrinations du glacier Ali.
L’histoire permet par la même occasion de donner un aperçu d’un coin de Turquie, pays à la fois si proche et si éloigné de l’Union Européenne, et d’en décrire la vie quotidienne de ses habitants au travers de leurs coutumes, croyances et comportements quotidiens, ce qui constitue sans nul doute une carte postale idéale pour la région.
Le réalisateur est parvenu à tirer le meilleur de ses comédiens d’un jour : ils auraient pu en faire des tonnes et nuire ainsi à la crédibilité du film, mais leur sobriété rend leur composition d’autant plus attachante. Une glace à plusieurs boules qui se laisse déguster sans déplaisir.


THE LAST SHOW
(A prairie home companion)
Réalisation. ROBERT ALTMAN
USA – 2006 – 100 min
Comédie dramatique

LA DERNIERE SEANCE

Ironie du destin, Robert Altman tire sa révérence en contant l’ultime représentation d’un show musical, mais la dernière réalisation du cinéaste ne convainc hélas pas pleinement.
Inspiré d’une émission réelle toujours présente sur les ondes, The last show s’adresse en effet principalement au public américain, pour qui les différents personnages paraîtront bien plus familiers qu’aux Européens.
Par ailleurs, optant pour un ton (trop) léger, le scénario est en grande partie une succession de numéros chantés, dans la plus pure tradition de nos cafés-concerts d’autrefois. Si le casting ne manque pas de célébrités, on aurait souhaité que le talent de celles-ci soit utilisé dans une histoire plus fouillée. Ainsi, la suppression du programme radio aurait pu donner lieu à une description plus profonde de ce microcosme appelé à disparaître, et de la tristesse que cette disparition engendre auprès d’un public fidèle.
Altman mélange également les genres, insérant dans son récit une dimension fantastique qui n’apporte pas grand-chose au film, si ce n’est d’augmenter encore davantage la sensation brouillonne qui en émane.
Il faut attendre les 20 dernières minutes pour que The last show monte enfin en puissance, grâce à un morceau de bravoure du duo Woody Harrelson/John C. Reilly et une conclusion laissant regretter que le reste de la mise en scène ne soit pas du même acabit. Et que Robert Altman ait définitivement baissé le rideau.