c comme cinéma

samedi, septembre 01, 2007

PIRATES DES CARAIBES, JUSQU’AU BOUT DU MONDE ♦♦♦
(Pirates of the Caribbean : At World’s End)
Réalisation. GORE VERBINSKI
USA – 2007 – 168 min.
Aventures

LE GRAND TREMBLEMENT DE MER

Hardi moussaillons ! Le capitaine Jack Sparrow vous invite à bord pour la conclusion de ses aventures, dans un grand voyage d’excellente qualité. Au gouvernail, Gore Verbinski a gommé les imperfections du 2e épisode –dont l’excès de gags grotesques et la fin en forme de série à suivre nous avait un peu déçus- pour livrer une 3e traversée des océans haute en couleurs et en péripéties.
Spectaculaire en diable et diantrement bien rythmé, Pirates des Caraïbes 3 se veut aussi plus sombre que ses prédécesseurs, malgré l’humour toujours très présent au fil des scènes grâce aux personnages hautement pittoresques. Mais la quête poursuivie par les héros, opposée et aux multiples facettes, apporte une réelle tension dramatique qui ne fait que s’accentuer au gré des vagues sur laquelle flotte une intrigue bien ficelée. Ces intérêts opposés rendent parfois l’histoire complexe, d’où l’utilité de revisionner Le secret du coffre maudit avant d’embarquer pour le voyage Jusqu’au bout du monde.
Bénéficiant de superbes images et d’une bonne dose de fantastique, cette dernière partie comporte de nombreuses séquences de batailles navales homériques, mises en scène tel un ballet aquatique réglé au millimètre. De la très haute flibuste à n’en point douter, servie par les mêmes acteurs en pleine forme qui ont animé la trilogie. Johnny Depp , Keira Knightley et Orlando Bloom larguent les amarres en beauté, augurant d’une déferlante de spectateurs sur notre Vieux Continent et bien au-delà des mers.

GRINDHOUSE (version originale américaine inédite en Europe) ♦♦♦
Réalisation. ROBERT RODRIGUEZ, ELI ROTH, QUENTIN TARANTINO, EDGAR WRIGHT, ROB ZOMBIE
USA – 2007 – 191 min
Thriller/Parodie/Horreur

SEANCES AUX CULTES

Le « vrai » Grindhouse restera inédit dans nos salles, et c’est regrettable : le saucissonnage décidé pour l’exploitation européenne vide en grande partie l’œuvre de son sens. Car 3 heures durant, Rodriguez, Tarantino & co nous replongent 30 ans en arrière, remontant de toutes pièces et avec un sens du détail remarquable les doubles séances de ces délicieuses série B aux titres aussi rocambolesques que les histoires décrites.
Rien n’a été négligé pour que la copie ressemble presque à s’y méprendre aux originaux : hormis la pellicule vieillie, les deux réalisateurs n’hésitent pas à insérer des panneaux « bobine manquante » en plein milieu de leur film pour sauter plusieurs scènes à la manière de ces projections pas franchement professionnelles de jadis.
Ce qui, paradoxalement, prive les spectateurs américains de certaines séquences mémorables telles qu’un « lap dance » hautement érotique de Vanessa Ferlito devant Kurt Russel dans Death Proof. Les Européens, eux, ne subissent pas la même coupure du fait du remontage propre à leur version.
Par contre, le Vieux Continent passera à côté de fausses bandes annonces des plus savoureuses, censées servir d’entracte entre Planet Terror et Death Proof, et assurant la transition entre deux titres aux atmosphères très différentes : le 1er, nocturne et sanguinolent d’un bout à l’autre et le second, nettement plus léger.
Pas franchement un succès aux USA, Grindhouse méritait pourtant bien mieux, dans cette forme-ci, que cet accueil mitigé. Il constitue un superbe hommage à ce genre si particulier, à consommer obligatoirement au second, voire au troisième degré

GRINDHOUSE : PLANET TERROR ♦♦
Réalisation. ROBERT RODRIGUEZ
USA – 2007 – 110 min
Horreur

ZOMBIE SOIT QUI MAL Y PANSE

Peu après le Death proof de Tarantino, c’est au tour de Robert Rodriguez de présenter son hommage aux fameux films Grindhouse. Hommage quelque peu tronqué en Europe, du fait du découpage choisi par les producteurs. Contrairement au premier titre cependant, celui-ci est bien précédé d’une savoureuse fausse bande-annonce pour un Machete carabiné qu’on rêverait de voir un jour sur nos écrans !
Mais Planet Terror ne fait pas non plus dans la dentelle, loin s’en faut ! Si Death proof comportait un ton léger et une ambiance diurne, ce 2e volet fait tout le contraire en situant l’action en pleine nuit et en filmant à la truelle des paquets de zombie bien décidés à décimer tout ce qui est un peu trop humain sur cette saloperie de vieille Terre !
Rodriguez ne manque donc pas de gratiner sa pellicule avec des effets gore assez jouissifs, tout en truffant bien entendu son histoire de références au bon vieux temps de la série B (dont le clin d’œil à Women in cages avec la pulpeuse Pam Grier ou encore la jambe-fusil pétéradante de Rose McGowan). Bruce Willis est invité au jeu de massacre et subit un lifting assez délirant, tandis que Tarantino, au four et au moulin, joue à l’acteur ici aussi.
Si le coup de la bobine manquante a été cette fois conservé –comme dans la version US- il faudra attendre la sortie en DVD des deux versions pour savourer pleinement le travail énorme accompli par les deux cinéastes. L’idée des deux films en un conserve logiquement notre préférence car plus conforme à l’esprit Grindhouse, mais Rodriguez ne manque pas de pimenter à sa façon la Planète Cinéma.

GRINDHOUSE: DEATH PROOF ♦♦
Réalisation. QUENTIN TARANTINO
USA – 2007 – 110 min
Thriller

LA SERIE B DANS LE RETRO

Décidément, Tarantino ne fera jamais rien comme tout le monde… même sans le vouloir! Ce Grindhouse ne déroge pas à la règle, puisque, pour des raisons expliquées ci-après, le "vrai" film dure plus de 3 heures et se compose de plusieurs chapitres.
En attendant donc de découvrir l’autre partie tournée par Rodriguez, voilà un Death Proof qui ravira les amateurs de ces bons vieux films d’exploitation des années 70. Maître Quentin truffe en effet son ouvrage d’une pile de références savoureuses et d’un charme désuet, tout en vieillissant la pellicule avec un grain et quelques sautes d’image qui feraient presque douter de l’année de réalisation, si quelques anachronismes ne se chargeaient de régler la date exacte.
Le tout n’étant qu’un prétexte pour s’en donner à coeur joie: en pleine époque aseptisée, ce n’est pas sans un réel plaisir contestataire que le cinéaste fait une promo d’enfer pour quelques bons breuvages (dont la “Chartrouze ” comme il dit, alias la Chartreuse des Alpes), qui, croyez-nous, méritent d’être testés, hips!
Bien sûr, les bagnoles des seventies se livrent à quelques courses-poursuites mémorables à travers les patelins du Texas, dans lesquels Kurt Russell campe un sadique des plus gratinés. Du pur Tarantino: les nanas du tonnerre ne manquent pas, le sang et les tripes non plus. De la castagne comme au bon vieux temps!
Et même si du fait de son découpage européen différent, Death Proof est parfois trop bavard, il reste un ouvrage très particulier qui, tout en n’étant forcément pas d’une folle originalité, donne en tout cas une furieuse envie de se replonger dans les classiques du genre.


L’AVOCAT DE LA TERREUR ♦♦♦
Réalisation. BARBET SCHRODER
France – 2007 – 135 min
Documentaire

SANS APPEL

Les personnages hors norme ont, de tout temps, fasciné. Jacques Vergès ne fait pas exception à la règle, lui qui grâce à une éloquence remarquable a dissimulé toute sa vie sous une apparence d’avocat renommé le salaud ténébreux qui veille en lui.
Schröder évite heureusement l’apologie, et rassure sur ses intentions dès les premières images : Vergès en pleine accolade avec le « brave » Pol Pot et minimisant le génocide cambodgien ; le ton est donné.
S’ensuit le long parcours superbement documenté du personnage central, où les archives côtoient les témoignages de proches, de compagnons de lutte ou d’anciens clients. Qui ont presque tous un point commun avec le ténor du barreau : leur sympathie ou leur collaboration pour des mouvements terroristes de tous bords.
Vergès se prête d’ailleurs au jeu avec une joie évidente, trop content de glisser un bon mot ou de se livrer à ses plaidoyers sulfureux, justifiant sans cesse l’injustifiable, mais redevenant soudain d’une discrétion étonnante lorsqu’il s’agit d’évoquer les huit années (1970-1978) pendant lesquelles il s’évapora pour aller mener une existence que l’on suppose peu recommandable au vu du soin qu’il met à l’occulter depuis 30 ans.
Ce qui n’empêche pas Schröder d’éclairer d’un jour nouveau –et quasi décisif ?- cette disparition de « l’autre côté du miroir », qui finit de convaincre, si c’était encore nécessaire, à quel point Vergès est dangereux. Un excellent travail documentaire qui présente les nombreux éléments à charge et laisse le public seul juge. Verdict sans appel !


LES CHANSONS D’AMOUR ♦♦
Réalisation. CHRISTOPHE HONORE
France – 2007- 100 min
Comédie dramatico-musicale

AMOURS MODERNES

Voilà des Chansons d’amour plutôt atypiques, d’abord parce que le titre ne décrit que très partiellement l’histoire du film, et ensuite parce que ce dernier est bien davantage parlé que chanté, même si les interprètes poussent la chansonnette de temps à autre.
Christophe Honoré souffle le chaud et le froid au fur et à mesure de l’évolution de son scénario. Tout d’abord joyeusement léger et imprégné d’une bonne dose d’espiéglerie, il explore un triangle amoureux sans grivèlerie aucune, en décrivant simplement l’envie d’aimer qu’animent les jeunes amants impliqués dans cette aventure.
Virage radical ensuite lorsque le trio se désintègre, frappé par la mort brutale d’une des 2 jeunes filles. Recentrage sur Ismaël –Louis Garrel, excellent- qui doit soudain affronter une solitude pesante, malgré la présence de ses proches qui ne parviennent pas à lui faire expurger le désarroi intérieur qui le ronge.
Relative déception dans le chef du spectateur, enfin, lorsque Honoré cède à la tendance en vogue de vouloir “androgyniser” son héros. C’est le 3e sexe dans toute sa splendeur, une exploration –et une découverte- de l’amour sans limite. Lui avec elles, elle avec elle, lui avec lui, …; mais le propos y perd grandement de son intérêt, d’autant plus que le film se conclut en laissant trop de portes ouvertes.
Bizarrement, autant le ménage à trois du début donnait envie de s’y intéresser plus longuement malgré que le thème ne soit pas neuf, autant la suite tend parfois à agacer. Reste néanmoins de jolis moments empreints d’une intensité que les interprètes inspirés expriment fort bien. Et un message en toile de fond: savourer pleinement l’amour avant que le destin ne nous en prive.


FAST FOOD NATION
Réalisation. RICHARD LINKLATER
USA – 2006 – 114 min
Drame

PAS ASSEZ CUIT

Fast food nation est un peu à l’image d’un hamburger : trompeur sur la marchandise. Car si le sujet fait penser de prime abord à un documentaire sur l’industrie de la malbouffe aux Etats-Unis, c’est pourtant bien une fiction que Richard Linklater met en scène… ce qui diminue d’emblée l’impact du message qu’il veut faire passer.
L’intention ne manquait pourtant pas d’intérêt : on sait à quel point les jeunes Américains sont les victimes –consentantes il est vrai- d’un mode d’alimentation qui a fait exploser le taux d’obésité ainsi que d’autres problèmes liés à l’exploitation intensive d’un bétail qui finit découpé en tranches de viande surgelée dans les cuisines des fast food. En dénonçant l’industrie alimentaire qui favorise ces dérives, le scénario poursuit donc un but louable.
Mais au lieu de se focaliser sur ce constat, Linklater commet l’erreur de s’éparpiller. D’une histoire, il en développe plusieurs reliée par le même fil rouge, abandonnant ainsi sans transition aucune son premier personnage principal pour passer à d’autres. Et malgré les quelques stars invitées au générique, le film ne va jamais au bout des choses à force de se diluer.
Ce n’est que dans les derniers instants qu'il acquiert enfin l’impact qu’il aurait du avoir, et ce justement quand il ressemble le plus à un documentaire : au cœur d’un abattoir, montrant la chaîne alimentaire dans toute sa crudité. Peut-être pas de quoi en devenir végétarien, mais à tout le moins s’interroger sur un système qui a atteint ses limites.


LA FAILLE ♦♦
(Fracture)
Réalisation. GREGORY HOBLIT
USA – 2007- 112 min
Thriller

TROMPERIES EN SERIE

La faille est bien davantage qu’un énième film de procès : c’est surtout l’affrontement à couteaux tirés entre Anthony Hopkins en criminel perfide et le jeune Ryan Gosling dans la peau d’un procureur bourré d’une ambition qui va lui faire sous-estimer l’adversaire.
Il y a évidemment dans cette Fracture une similitude frappante avec Le limier de Mankiewicz ; si ce n’est que cette fois, le mari s’oppose à l’amant de façon détournée, se servant de celui censé le faire condamner pour rouler le système judiciaire dans la farine.
Joli duel donc, servi par de bons dialogues et quelques rebondissements, ainsi que quelques pointes d’humour ne manquant pas de saveur. Gosling est sans conteste la révélation du film, restituant fort bien la quête tournant à l’obsession de son personnage qui veut à tout prix trouver le point faible dans la défense du suspect. Hopkins, quant à lui, retrouve ici un de ces rôles de criminels à la perversité aiguisée dans lesquels il excelle.
La bataille fait donc rage entre les deux personnages, jusqu’au dénouement final qui se révèle être la seule… faille de l’histoire. Très prévisible, il ne correspond en rien au reste du spectacle, dont on attendait sans doute une conclusion plus surprenante en forme de coup de théâtre. Mais ce n’est pas une fracture suffisante pour gommer la bonne qualité de l’ensemble.


THE NAMESAKE ♦♦
Réalisation. MIRA NEIR
USA/Inde – 2006 – 122 min
Drame

BOUILLON DE CULTURES

Ce n’est plus Salaam Bombay mais plutôt « Salaam New York » que lance Mira Neir par le biais de cette chronique attachante d’une famille hindoue venant s’installer aux Etats-Unis. Ce récit –dont le genre a déjà été exploité maintes fois au cinéma- s’étale sur une période d’environ trente ans et se décale peu à peu des parents aux enfants au fur et à mesure que ces derniers grandissent.
C’est donc sans surprise que l’on assiste au déracinement culturel de ce couple que la promesse d’une vie meilleure a poussé vers des horizons lointains où ils tenteront d’abord tant bien que mal de s’adapter à leur nouvelle vie, et ensuite de comprendre leurs enfants nés aux USA et n’ayant évidemment pas les mêmes repères.
Cette évolution relationnelle constitue la partie la plus intéressante du film, servie par 2 acteurs excellents (Irfan Khan et Tabu dans les rôles du père et de la mère) qui parsèment l’histoire d’une bonne dose de tendresse et d’émotion à travers la profonde humanité qui se dégage de leurs personnages.
La réalisatrice aurait donc parfaitement pu s’en tenir à ça, mais la dernière demi-heure s’attarde inutilement sur le fils devenu jeune adulte et dont le parcours n’offre qu’un intérêt très relatif et bien plus conventionnel par rapport à l’intensité émanant du couple parental. Il n’était pourtant pas nécessaire de rallonger un récit qui avait livré ses meilleurs moments en 90 minutes et un quart de siècle de rapports familiaux finalement bien plus universels que ce que l’apparent choc des cultures laisse supposer.